Bonjour tout le monde !
Après presque un mois d’essais infructueux, j’ai fini par trouver une façon simple et viable de graver des stencils pour soudure de composants CMS.

Un stencil ce n’est rien de plus qu’une plaque en métal (ou en plastique) avec des trous aux endroits où se trouvent les empreintes des composants CMS.
Avec un stencil, l’opération de soudure de composants CMS se limite à appliquer de la patte à souder sur le circuit avec le stencil puis à passer la carte avec les composants au four (de refusions, pas le four de le cuisine ;) ).
Plus besoin de souder chaque composant à la main. Autant dire que le gain en temps est énorme !
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Vous vous demandez surement pourquoi d’un coup je cherche à faire des stencils ?
En fait, j’ai un projet « top secret » sur lequel je travaille depuis plusieurs mois.
J’avais prévu de le rendre public en début d’année, mais j’ai dû me résoudre à attendre encore un peu.
Finalement j’espère pouvoir vous montrer le résultat dans le milieu de l’année, juste pour l’anniversaire des 3 ans du blog.
C’est un projet assez costaud qui me demande de souder un bon nombre de composants CMS, d’où la nécessité d’un stencil pour accélérer l’opération de montage.
En attendant, voici ma méthode étape par étape, du fichier de typon, au stencil final ;)
Remarque n°1 : ma méthode est fortement inspirée de celle disponible sur ce blog anglais :
http://rayshobby.net/?p=1246
Je n’ai pas réinventé la roue, j’ai juste ajouté un peu plus de gomme autour ;)
Remarque n°2 : j’ai laissé traîner un paquet d’indices dans les captures d’écrans ci-dessous.
Mais croyez-moi, ce n’est que la partie visible de l’iceberg ;)
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Etape 1 – Générer les fichiers Gerber

La première étape consiste à générer les fichiers Gerber à partir du typon.
Avec Eagle il suffit d’utiliser l’option « CAM » pour cela.
Suivant le logiciel utilisé la façon de faire est différente.
Mais dans tous les cas il doit être possible de générer les fichiers Gerber à partir des couches du typon.
Si ce n’est pas le cas, changer de logiciel de CAO, c’est vraiment un truc de base.

Au final pour mon circuit, j’obtiens toute une série de fichiers Gerber prêts à être envoyés en fabrication.
Personnellement je fais fabriquer mes circuits chez Seeedstudio. Je n’ai jamais été déçu par la qualité des PCB.
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Etape 2 – Vérification des fichiers Gerber

L’étape 2 consiste à ouvrir les fichiers Gerber avec un éditeur pour voir si tout va bien.
J’utilise Gerbv pour cela.
Logiquement vous devriez vérifier les fichiers générés avant de les envoyer en fabrication.
Si vous ne le faites pas, vous aurez des surprises parfois ;)
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Etape 3 – Sélection des couches « solder mask »

Après avoir vérifié que tout allez bien, vous devriez pouvoir facilement mettre de côté les couches « solder mask » (masque de soudure) qui nous intéressent.
Ces couches servent à masquer les zones où la soudure devra être appliquée.
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Etape 4 – Export en SVG

Une fois les couches « solder mask » séparées du reste il faut les exporter en SVG.
Avec Gerbv il suffit de faire « File » -> « Export » -> « SVG ».
L’opération devra être répétée autant de fois qu’il y a de couches « solder mask » (théoriquement il devraient en avoir une ou deux).
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Etape 5 – Ouverture du SVG

Une fois la couche « solder mask » exportée en SVG il faut l’ouvrir avec un éditeur de SVG.
Pour cela rien ne vaut Inkscape.
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Etape 6 – Dégroupage (étape spécifique à Inkscape)

Par défaut Inkscape fait des « blocs » quand vous ouvrez un fichier SVG.
Si vous essayez de cliquer sur un des pads de composant, vous remarquerez que tout le bloc se sélectionne.
Ce n’est pas pratique et ça va poser des problèmes par la suite, il faut donc dégrouper le bloc.
Pour ce faire : « Object » -> « Ungroup ».

À présent chaque élément du fichier SVG (= chaque empreinte de composants) est indépendant.
Attention : à ce stade, évitez de bouger une empreinte par erreur sinon le stencil sera complètement faux à la fin ;)
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Etape 7 – Préparation avant impression
Pour pouvoir graver le stencil, il faut que les pads soient blancs sur fond noir.
Une simple impression en mode négatif pourrait suffire, mais niveau consommation d’encre se serait un massacre d’imprimer des pages noir.
L’idée consiste donc à entourer chaque morceau du stencil d’une zone noir, ni trop grande, ni trop petite.

Pour dessiner les zones noires, il suffit d’utiliser l’outil « Rectangle ».

Ensuite avec la roue de sélection chromatique il suffit de mettre tous les pads en blanc et les rectangles en noir.

Astuce : les rectangles se dessinent toujours par-dessus les autres formes avec Inkscape.
Il suffit de cliquer sur l’icône « Lower selection to bottom » pour « descendre » le rectangle d’un niveau, et faire en sorte qu’il soit en dessous des pads.
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Etape 8 – Impression
Pour fabriquer mes stencils, mes PCB, mes faces avant de boitier, bref tout, j’utilise la technique du « transfert de toner ».
Cette technique consiste à utiliser une imprimante laser (et uniquement laser, pas jet d’encre) pour imprimer un motif sur du papier et ensuite le transférer sur un support.
« L’encre » dans une imprimante laser s’appelle du « toner ». C’est une sorte de plastique qui se transfère très bien à la chaleur.
Cerise sur le gâteau : le toner étant un plastique il ne craint pas l’acide, c’est donc tiptop pour faire des circuits ;)

Pour faire mes circuits, j’utilise une petite imprimante laser du fabricant « Brother » qui m’as coûté ~80€.
Les recharges de toner (noir uniquement) font environ 1000 feuilles et coûtent 40€, pour une imprimante laser c’est vraiment low-cost.
Ironie, si vous avez une imprimante laser professionnelle qui peut imprimer plus de 100 feuilles par minute (le genre de grosses imprimantes laser qui font souvent scanner automatique et fax) ça ne marchera pas aussi bien qu’avec une petite imprimante laser comme la mienne qui fait au maximum 20 pages à la minute les jours de beau temps.
Cela est dû à la puissance du fil Corona des rouleaux chauffant qui chauffent le toner pour l’incruster dans le papier. Sur les grosses imprimantes laser, ils sont tellement puissant que le toner est carrément fondu d’un bloc dans le papier.

Concernant le papier justement, il faut impérativement du papier glacé pour que le transfert puisse se faire.
MAIS, il ne faut PAS du papier de qualité …
L’idéal c’est le papier glacé de publicité, le truc qu’on jette sans même lire, c’est tiptop.
Pas la peine d’acheter du papier « ultra glossy » à 20€ les 10 feuilles ça ne marchera que très moyennement.
J’adore cette technique pour ce côté « ne marche qu’avec de la merde » :)
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Etape 9 – Préparation

Pour faire les stencils, il faut du métal, idéalement de l’acier au carbone.
Mais bon, l’acier au carbone c’est hors de prix et en plus ça ne se grave pas.
Donc à moins d’avoir une découpeuse laser ça ne vaut pas le coup.
Personnellement pour faire mes stencils j’utilise deux types de métaux : du cuivre et de l’aluminium.
Le cuivre se grave sans problème comme un circuit classique, par contre à l’usage le stencil s’use plus vite.
L’aluminium dure plus longtemps à l’usage et se grave assez facilement avec la bonne méthode. Quand on commence à maîtriser la technique, c’est une solution très intéressante.
Dans les deux cas, les feuilles de métal doivent faire très exactement 1/10iéme de millimètre. C’est l’épaisseur standard d’un stencil pour soudure CMS.
Ce genre de feuille se vend au mètre à 10-20€ le mètre, une petite recherche google donne plein de résultats ;)

Pour faire la base des stencils, il suffit de découper un rectangle de métal de taille raisonnable.
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Etape 10 – Nettoyage

Avant de pouvoir transférer le toner sur le métal, il faut enlever toute trace de graisse, d’encre, de poussière et autre saloperie.
Pour ce faire il suffit d’essuie-tout, d’acétone et d’huile de coude.
Précaution d’usage : gants et une bonne ventilation, l’acétone n’est pas très bon pour la santé.
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Etape 11 – Transfert du toner
C’est désormais le moment de transférer le toner sur le métal.

Il vous faut :
– un fer à repasser, idéalement un fer à repasser pas cher qui ne servira qu’à cela,
– de l’essuie-tout pour protéger le métal,
– un support dur et bien plat.

1) Préchauffer le métal en le glissant dans une feuille d’essuie-tout pour éviter que le fer soit en contact direct avec le métal.
Le fer à repasser doit être réglé sur la puissance maximale, faut que ça chauffe !
Laisser préchauffer 20-25 secondes.

2) Poser le papier avec le toner côté métal. Bien faire attention de ne pas faire de plis.
Attention : le métal chaud va immédiatement faire fondre le toner qui va commencer à se transférer.
Il n’y a pas le droit à l’erreur lors de la pose.

3) Pour finir le transfert, il suffit de chauffer le métal (toujours en le glissant dans une feuille d’essuie-tout) pendant 30 secondes de plus. Penser à faire des mouvements circulaires et n’oublier pas les angles, c’est ce qui se transfère le plus mal.
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Etape 12 – Épluchage

Après un rapide passage à l’eau froide le papier devrait se décoller facilement.



Il suffit de tirer doucement sur un coin pour que le toner reste sur le métal, mais pas le papier.
Si le transfert c’est bien fait le papier doit se décoller comme un auto-collant.


Plusieurs essais sont souvent nécessaires pour trouver le bon type de papier, mais une fois que c’est bon le résultat est au rendez-vous.
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Etape 13 – Protection des zones non couvertes


Avant de passer le métal dans l’acide, il faut protéger chaque centimètre carré de métal à nu.
Les seuls endroits à nu doivent être les zones à graver.
Le scotch transparent marche super bien pour faire le masquage.
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Etape 14 – Gravure

Je ne donnerai pas de détails concernant le mélange permettant la gravure.
C’est une solution acide extrêmement puissante qui grave en moins d’une minute le cuivre ou l’aluminium, mais qui est extrêmement dangereuse à réaliser.
Si vous voulez savoir comment elle se réalise voici un tutoriel :
http://www.instructables.com/id/Stop-using-Ferric-Chloride-etchant!–A-better-etc/?ALLSTEPS
Cette solution est vraiment puissante, en plus de graver ultra rapidement elle est réutilisable indéfiniment.
La réaction avec le cuivre génère une deuxième solution qui peut être régénérée avec de l’oxygène, redonnant la solution de départ.
En plus la solution est transparente, contrairement au perchlorure de fer qui est jaune opaque.
C’est vraiment LA solution pour graver des circuits, mais elle demande de prendre beaucoup de précautions.
Autant le perchlorure de fer n’est pas bien dangereux, à part faire des taches il ne peut pas arriver grand-chose.
Autant l’acide ci-dessus peut ronger tout et n’importe quoi, en plus de réagir violemment au contact de toute substance organique.
Pour faire simple, c’est un mélange d’acide chlorhydrique à 23% et de peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) à 30%.
Même séparément ces deux composantes peuvent ronger du métal … ou une main.
Dans tous les cas, il est obligatoire de porter un vêtement à manche longue en coton, des lunettes de protection pour la chimie (qui couvre contre les éclaboussures), des gants de chimies et un masque (idéalement à cartouche, mais je n’en ai pas).
Le mélange doit impérativement se faire en extérieur, avec une source d’eau vive proche disponible à tout instant.
Pour vous donner une idée, voici ce que donne le mélange dès que le cuivre entre en contact avec l’acide :


Ça fait des bulles … d’oxygène et de chlore. À ne pas respirer donc.
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Etape 15 – Nettoyage

Au bout d’une grosse minute, le cuivre devrait être rongé entièrement.
Il suffit alors de rincer le stencil à l’eau froide et d’enlever le scotch.
Remarque : la solution de gravure doit être conservé dans un récipient en VERRE, pas en métal (logique) ou en plus plastique (à long terme il sera rongé).
En aucun cas la solution de gravure ne doit être jetée dans la nature. N’essayez même pas d’annuler l’acide avec une base, le résultat serait catastrophique. Si vous voulez vous débarrasser d’un trop-plein de solution, il faut aller en déchetterie.
Le résultat final :

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Etape 16 – Utilisation
Le stencil est prêt, il ne reste plus qu’à le tester !

Patte à souder, raclette, support, scotch à peinture, stencil et circuit. Let’s go !
Le résultat :

Avec les composants :

PS : Pour la recuisson j’utilise un mini four à infrarouge contrôlé par un module « Reflow Controller V2″ de BetaStore.
Ce module m’a coûté un bras, mais le résultat vaut largement mieux qu’un four de recuisson infrarouge tout fait.
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Bon WE à toutes et à tous !
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